Depuis quelques années, on constate que de plus en plus d’employés franchissent le pas de quitter le salariat pour réaliser leur rêve de créer leur propre entreprise.

Cette décision est prise pour concrétiser un désir de changement de vie, un besoin d’indépendance, ou encore entreprendre une reconversion professionnelle. La plupart du temps, la réalisation de ce projet passe par une étape importante : la démission de son emploi actuel.

Tout employé qui démissionne d’un emploi salarié doit bien préparer son projet. Le salarié démissionnaire peut alors se poser des questions concernant ses finances personnelles, à juste titre.

Comment faire pour subsister et assurer le paiement des factures, des emprunts, ou même de ses dépenses courantes, le temps que l’entreprise se mette en place et que les premiers clients soient trouvés ? Est-il possible de donner sa démission dans le cas spécifique de création d’entreprise ? Quelles sont les aides sur lesquelles il est possible de compter ? Quid des allocations ? Nous faisons le point sur toutes ces questions dans cet article.

Peut-on démissionner d’un emploi de salarié pour créer son entreprise ?

Les salariés en CDI

En principe, les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) ont tout à fait le droit de démissionner de leur emploi actuel. Les salariés en CDI ont le droit de prendre l’initiative de rompre leur contrat de travail, sans avoir besoin d’obtenir l’accord de leur employeur pour cela. Cette démarche volontaire se distingue de la rupture conventionnelle, situation pour laquelle la démission nécessite l’accord de l’employeur.

Le salarié en CDI qui soumet sa démission doit toutefois respecter un délai de préavis. Ce délai correspond à la période entre le moment où la démission est soumise, et le moment où le contrat d’embauche prend fin. Il est bon de noter qu’il est possible de négocier, avec l’employeur, une dispense de respecter le préavis, ou même de le raccourcir. Il est également bon de noter qu’en principe, un salarié n’a aucune obligation de donner les raisons de sa démission à son employeur.

Cependant, dans le cas de la démission pour création d’entreprise, il est fortement recommandé d’expliciter la raison de la démission dans la lettre (la création d’entreprise), dans le but de pouvoir tirer bénéfice du dispositif Pôle Emploi durant sa période de chômage.

Autre information importante : dans le cadre d’une démission pour création d’entreprise, l’employeur ne verse aucune indemnité pour rupture au contrat de travail. Le solde de tout compte correspond au salaire mensuel (au prorata pour le mois en cours), l’indemnité de congés payés et d’autres éventuelles sommes dues en cours.

Les salariés en CDD

Les salariés en contrat à durée déterminée (CDD) ne peuvent pas, en général, interrompre leur contrat avant la date d’échéance de celui-ci, sauf si la rupture a lieu durant la période d’essai. Toutefois, les salariés peuvent négocier une rupture anticipée de contrat avec leur employeur. Si cette demande n’est pas acceptée et si l’employé décide de partir avant la fin de son contrat, l’employeur sera en droit de demander des dommages et intérêts à l’employé.

Les procédures pour démission et pour création d’entreprise

Tout salarié qui souhaite démissionner de son emploi pour lancer son entreprise (ou en reprendre une) doit suivre les étapes suivantes :

  1. La procédure établie pour démissionner
  2. Les démarches pour la création d’entreprise

A noter que les étapes ci-dessous sont applicables uniquement aux salariés du secteur privé. Les règles ne sont pas les mêmes pour les fonctionnaires du secteur public souhaitant quitter leur emploi pour lancer leur entreprise.

Première étape : soumettre sa démission selon la procédure établie

Le respect de la procédure pour démissionner est primordiale si l’on ne veut pas s’exposer à des problèmes qui pourraient compromettre la suite de sa carrière. Dans le cadre d’une démission pour création ou reprise d’entreprise, il est d’autant plus important de suivre la procédure à la lettre.

Il est impératif d’informer son employeur de sa décision de démissionner, de manière claire et non équivoque. La décision peut être communiquée à l’employeur par écrit ou par voie orale. La loi ne préconise aucune forme particulière, mais il est recommandé de soumettre une lettre écrite, qui peut faire office de preuve en cas de litige.

La période de préavis commence une fois la démission soumise. Le contrat de travail est toujours valide durant ce moment et l’employé doit continuer ses missions. Il peut aussi poser des congés, sous réserve d’acceptation par l’employeur. La durée du préavis varie selon ce qui est stipulé dans le contrat de travail, la convention collective ou le droit local pour les employés travaillant en Alsace-Moselle. Si l’employeur accepte de dispenser l’employé démissionnaire de la période de préavis (totalement ou partiellement), le contrat de travail prend fin à la date agréée par les deux parties.

Deuxième étape : créer son entreprise

Le salarié qui quitte son emploi pour lancer son entreprise doit suivre les étapes pour la création d’entreprise. Tout d’abord, il lui faut préparer son projet d’entreprise. Cette étape implique de réaliser une étude de marché, créer un business plan, monter un prévisionnel financier, rechercher du financement, établir une stratégie commerciale, entre autres.

Par la suite, il faudra penser au statut juridique de l’entreprise qui sera créée. A noter que cette étape n’est pas applicable en cas de reprise d’entreprise. On peut avoir recours à plusieurs statuts juridiques, au choix : l’entreprise individuelle (EI) ou le régime de la micro-entreprise, l’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL), l’EURL ou la SASU, entre autres.

La micro-entreprise

Le statut d’auto-entreprise ou de micro-entreprise est une solution parfaite pour démarrer une activité professionnelle lorsque l’on sort du statut salarial. Les démarches pour constituer une micro-entreprise sont allégées et la comptabilité est moins stricte. Le micro-entrepreneur déclare son chiffre d’affaires soit sur une base mensuelle, soit sur une base trimestrielle. Cette déclaration sert pour le paiement de l’impôt sur le revenu et pour s’acquitter de ses cotisations sociales.

Les cotisations sociales permettent au micro-entrepreneur d’être rattaché à la Sécurité sociale des indépendants (SSI) comme travailleur non salarié (TNS). Le statut de micro-entreprise peut limiter l’expansion de l’activité car le chiffre d’affaires est plafonné, et le montant de ce plafond dépend de la nature de l’activité. De plus, il n’est pas possible d’avoir recours à la déduction des charges.

L’entreprise individuelle (EI) et l’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL)

Le statut d’entreprise individuelle permet d’exposer l’entreprise au régime de la micro-entreprise (avec les mêmes contraintes qu’expliqué ci-dessus) ou au régime réel. L’avantage de l’EIRL comparé à l’EI est que ce statut permet de protéger le patrimoine de l’entrepreneur via une déclaration d’affectation de biens à l’activité professionnelle.

Les sociétés commerciales

Parmi les statuts possibles, on retrouve l’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL), la Société à Responsabilité Limitée (SARL), la Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU) et la Société par Actions Simplifiée (SAS). Les avantages communs à ces structures sont la liberté de fixer un capital social minimum, de limiter la responsabilité de l’entrepreneur à l’apport de son capital social, de pouvoir laisser le choix à l’entrepreneur de son régime fiscal d’imposition des bénéfices, et de lui offrir une protection sociale (soit au titre de gérant TNS ou de président assimilé salarié).

En revanche, ces statuts juridiques présentent des inconvénients tels que le formalisme de constitution long et coûteux (les statuts juridiques de l’entreprise doivent être rédigés par un professionnel, il faut publier un avis de constitution dans un journal d’annonces légales, et il faut déposer un dossier pour immatriculer l’entreprise dans le CFE compétent), et la nécessité de tenir une comptabilité rigoureuse.

De plus, dans le cas des EURL et SARL, il vous faudra reverser des cotisations sociales minimales même en l’absence de rémunération. Ce n’est pas le cas pour les SAS et SASU, mais si l’entrepreneur se verse un salaire, il devra s’acquitter de charges sociales élevées.

Obtenir l’allocation chômage lorsque l’on démissionne pour créer son entreprise

En général, la démission d’un employé ne lui ouvre pas le droit à l’allocation chômage. Il est bon de préciser ici que pendant longtemps, il a été mal vu en France de quitter une situation salariale pour intégrer une situation entrepreneuriale. Jusqu’à la fin de 2018, un employé démissionnant de son travail pour créer son entreprise ne pouvait toucher l’assurance-chômage.

Cela a changé en 2019 avec la loi Macron, qui rend désormais possible de toucher l’Aide de Retour à l’Emploi (ARE) dans l’optique d’une reconversion professionnelle. De ce fait, lorsqu’un employé démissionne pour créer son entreprise, Pôle Emploi pourra lui verser des allocations chômage, mais uniquement sous respect de certaines conditions spécifiques.

Les conditions d’éligibilité doivent être toutes remplies pour pouvoir bénéficier de l’aide au chômage : avoir travaillé au moins cinq années sans interruption (soit 1300 jours) précédant la démission, avoir été en CDI à temps plein ou à temps partiel, et présenter un projet de création d’entreprise sérieux.

Pour toucher l’allocation, il faut également suivre les étapes suivantes :

  • Consulter un conseiller en évolution professionnelle (CEP) : Il est obligatoire de suivre cette étape avant de donner sa démission pour créer son entreprise. Le CEP aide l’individu à préparer son projet de création d’entreprise. Les cadres doivent consulter l’APEC, les personnes souffrant d’un handicap doivent se tourner vers les CAP Emploi. Il est possible de consulter d’autres opérateurs désignés dans les régions par France Compétences.
  • Obtenir une attestation pour justifier le caractère concret du projet : La commission paritaire interprofessionnelle régionale examine le projet de création d’entreprise pour en déterminer le sérieux. La commission remet une attestation à l’initiateur du projet en cas d’examen favorable. Au cas contraire, le demandeur ne pourra poursuivre la procédure et toucher l’allocation chômage.
  • Faire une demande d’indemnisation auprès de Pôle Emploi : Il est possible de faire la demande d’indemnisation auprès de Pôle Emploi seulement lorsque l’attestation est obtenue. Il y un délai de 6 mois a ne pas dépasser.

Il est important de noter qu’il faut obligatoirement attendre d’être inscrit à Pôle Emploi avant d’immatriculer son entreprise, pour pouvoir bénéficier de l’allocation chômage. Si l’entreprise est créée avant l’inscription à Pôle Emploi, la demande d’allocation ne sera pas acceptée.

Les aides à la création d’entreprise

Il existe de nombreuses aides pour lancer sa micro-entreprise dans le cadre d’une démission d’une activité salariale. Les principales aides sont l’ACRE, le dispositif NACRE, et le maintien des allocations ARE et ARCE.

Les autres aides : Il est possible de bénéficier d’autres aides pour créer son entreprise, telles que les prêts d’honneur, le contrat d’appui au projet d’entreprise (Cape), les garanties bancaires offertes par France Active, les aides de l’Agefiph pour les personnes en situation de handicap, les bourses, etc.

Les alternatives à la démission

Vous ne souhaitez pas courir le risque de perdre une situation stable au profit d’un projet dont vous ignorez encore les chances de succès ? Sachez que vous n’êtes pas obligé de démissionner de votre emploi pour lancer votre propre entreprise. Vous pouvez profiter d’autres solutions avant de franchir le pas de la démission.

Vous pouvez, par exemple, profiter de votre temps libre pour mettre en place votre projet d’entreprise en dehors de vos heures de travail. Si votre contrat de travail ne contient pas de clause de non-concurrence ou d’exclusivité, vous pouvez obtenir l’accord de votre employeur pour créer votre micro-entreprise tout en restant salarié de l’établissement avec lequel vous avez signé votre contrat de travail. Cependant, si votre projet de micro-entreprise se développe, vous pourrez faire face à des difficultés pour concilier vos deux activités.

Vous pouvez également conserver votre emploi de salarié et prendre un congé sans solde pour expérimenter votre projet de création d’entreprise en toute quiétude. Pour bénéficier du congé pour création d’entreprise, vous devez justifier d’au moins 2 ans d’ancienneté dans votre entreprise. Vous pouvez prendre ce congé spécial pour un an au maximum et le renouveler une fois. L’employeur peut approuver la demande, la reporter ou la refuser. Durant la période de congé, le salarié ne reçoit pas de salaire, sauf si cela est prévu par un usage ou par une convention collective.

Une autre option envisageable est de négocier avec son employeur de passer à un contrat de travail à temps partiel. Cela permettra à l’employé de consacrer du temps pour élaborer et mener à bien son projet de création d’entreprise, tout en maintenant un certain niveau de rémunération garanti (calculé au prorata selon le nombre d’heures travaillées).

Finalement, l’employé peut négocier une rupture conventionnelle avec son employeur, et ainsi bénéficier de l’indemnité de rupture conventionnelle, ce qui le rend éligible à l’allocation chômage et à l’ACRE.

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