La loi du 14 février 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante, est entrée en vigueur depuis le 15 mai 2022 et crée un nouveau statut pour l’entrepreneur individuel, faisant disparaître définitivement le statut d’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL).
Ce nouveau statut reprend presque à l’identique le statut d’EIRL, mais avec quelques évolutions majeures. Quelles sont les caractéristiques de ce statut ? Quel impact pour l’entrepreneur souhaitant créer une entreprise individuelle ?
Quelles sont les implications pour ceux ayant déjà une entreprise individuelle en activité ? Vous trouverez les éléments de réponse dans cet article.
Un nouveau statut unique
Le Code de commerce définit un entrepreneur individuel comme suit : “toute personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes”. Il n’est plus possible de créer d’EIRL depuis le 15 février 2022. Aujourd’hui, un seul statut existe : celui de l’Entrepreneur Individuel, mais avec la possibilité d’opter pour le régime de la micro-entreprise.
Le futur entrepreneur aura le choix, lors de la création, entre lancer une entreprise individuelle ou lancer une entreprise individuelle avec le régime simplifié de la micro-entreprise. Pour les entrepreneurs ayant déjà créé leur entreprise individuelle au moment de la nouvelle loi (qu’elle soit à responsabilité limitée ou pas), la situation est légèrement compliquée.
En effet, l’entreprise individuelle déjà en existence lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi est soumise, à partir du 15 mai 2022, au statut unique, mais cela s’applique seulement pour les nouvelles créances. Concrètement, pour toutes les créances nées à partir du 15 mai 2022, c’est la nouvelle loi qui s’applique.
Les avantages qui existaient avant la réforme du statut sont toujours d’actualité. L’entreprise individuelle reste une structure facile à monter et très peu coûteuse. Le fonctionnement reste simple. Le dirigeant reste seul maître. Les formalités de création sont peu nombreuses et faciles à appliquer, en comparaison avec les autres formes d’entreprise.
Il n’y a nul besoin de rédiger des statuts, de publier une annonce légale ou encore de déposer un capital social. L’entreprise individuelle est le statut qui permet de bénéficier le plus possible d’allègements en matière d’obligations administratives : dispense de déposer des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, possibilité de choisir une comptabilité extrêmement simplifiée, par exemple.
La protection du patrimoine personnel
Une des grandes évolutions amenées par le nouveau statut est que le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel se retrouvent séparés de fait. Dans le régime d’entreprise individuelle classique, il n’y avait pas de distinction entre les patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur, et seule la résidence principale était protégée.
Dans le régime EIRL, le patrimoine personnel était protégé uniquement si l’entrepreneur avait fait une déclaration d’affectation. La nouvelle loi cherche en effet à protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur en le mettant hors de portée des créanciers professionnels. Cependant, l’entrepreneur individuel peut renoncer à l’avantage de séparation de patrimoine si l’un de ses créanciers en fait la demande écrite.
La protection du patrimoine personnel permet donc à l’entrepreneur individuel de bénéficier d’une protection similaire à celles des entrepreneurs opérant sous statut Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU) et Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (EURL), mais à la différence qu’il n’y a pas de personne morale (l’entreprise) qui se distingue de la personne physique (l’entrepreneur lui-même).
L’entrepreneur individuel a donc dorénavant deux patrimoines bien distincts : le patrimoine professionnel, qui inclut tous les biens utilisés pour son activité professionnelle, et le patrimoine personnel, qui inclut par défaut tous les biens ne faisant pas partie du patrimoine professionnel.
Quels sont exactement les biens inclus dans le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, et qui peuvent donc être mis en jeu en cas de difficultés financières ?
- Les biens tels que les marchandises, le matériel, l’outillage, et les moyens de mobilité pour la vente, les prestations de services itinérants, ou les activités de transport et livraison.
- Les immeubles qui servent à l’activité professionnelle. Cela comprend la partie de la résidence principale utilisée par l’entrepreneur individuel pour l’activité professionnelle. Si ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire et si cette société a pour activité principale la mise à disposition de ces immeubles à l’entrepreneur individuel, les actions ou parts de cette société entrent dans le patrimoine professionnel
- Le fonds de commerce, le fonds agricole, le fonds artisanal
- Les biens incorporels tels les brevets, les licences, les marques, les données clients, les dessins et modèles, les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial, l’enseigne
- Les fonds de caisse et les sommes contenues sur les comptes bancaires dédiés à l’activité professionnelle
La séparation des patrimoines : les exceptions
Bien que la nouvelle loi protège le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel, cette protection n’est pas absolue. Il est important de noter qu’il existe de nombreuses situations dans lesquelles on confond patrimoine personnel et patrimoine professionnel, et qui font donc exception à la règle :
- L’entrepreneur individuel a renoncé à la séparation en faveur d’un créancier professionnel – cela est possible uniquement si le créancier professionnel a fait une demande écrite en ce sens et pour un engagement spécifique. L’entrepreneur individuel dispose d’un délai de réflexion de 7 jours pour le renoncement.
- L’entrepreneur individuel est décédé
- Une liquidation judiciaire est ouverte (à savoir que le tribunal peut condamner l’entrepreneur individuel de payer une partie ou tout insuffisance d’actif)
- L’État doit recouvrir l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux et la taxe foncière
- L’entrepreneur individuel a commis des fraudes ou n’a pas observé ses obligations fiscales et sociales de manière répétée
Le choix possible entre impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés
Le nouveau statut d’entrepreneur individuel donne la possibilité, en matière d’imposition, de choisir entre l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu (qui est le mode d’imposition par défaut). C’est un autre changement positif amené par le nouveau statut. L’entrepreneur individuel est soumis de plein droit à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC, BNC et BA, mais il peut opter pour le régime de l’impôt sur les sociétés (IS).
Ce changement est d’intérêt pour les entrepreneurs qui réinvestissent en masse les bénéfices de leur entreprise ou qui ne prélèvent pas la totalité des bénéfices. Par ailleurs, le chef d’entreprise peut mieux piloter les revenus issus de son activité professionnelle. Il peut faire des arbitrages rémunérations-dividendes dans le but d’optimiser sa fiscalité et limiter ainsi l’imposition globale de ses revenus.
Pour pouvoir exercer l’option, l’entrepreneur doit faire une demande d’assimilation d’entreprise à une EURL, afin de créer une personne fiscale distincte du chef d’entreprise. Dans la pratique, ce changement est irrévocable. Le choix d’impôt sur les sociétés est quant à lui révocable.
L’accès à l’Allocation des Travailleurs Indépendants (ATI)
Le changement de statut d’entrepreneur individuel s’accompagne d’une évolution de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI ) : cette allocation est maintenant ouverte aux travailleurs non-salariés qui ont cessé leur activité de manière définitive pour cause de manque de viabilité économique. Pour déterminer la non-viabilité, on prend comme critère une baisse des revenus déclarés pour l’impôt sur le revenu de plus de 30%.
Pour bénéficier de l’ATI, l’entrepreneur individuel doit :
- Obtenir une attestation indiquant la non-viabilité économique de son activité (émise par un expert-comptable ou autre “tiers de confiance” telle qu’une personne reconnue dans le réseau consulaire du secteur d’activité en question)
- Avoir exercé une activité non salariée durant une période minimale et continue de 2 ans au sein d’une même entreprise à la date de cessation de l’activité
- Être inscrit à Pôle Emploi
- Bénéficier de ressources mensuelles inférieures au RSA (au 1er juillet 2022, cela correspond à moins de 598,54 euros par mois pour une personne vivant seule)
- Justifier de revenus antérieurs d’activité de plus de 10 000 euros enregistrés pendant l’une des deux dernières années d’activité non salariée
L’entrepreneur aura droit à une allocation pouvant atteindre 800 euros, sur une durée de 6 mois au maximum. Le montant peut varier selon la moyenne annuelle des revenus d’activité antérieurs perçus pendant la durée d’activité dont il est question. A noter que la réception de l’ATI n’est plus soumise à la décision de justice donnant les raisons de l’arrêt d’activité.
Les mentions légales obligatoires
Les entrepreneurs individuels doivent obligatoirement faire figurer la mention “EI” ou “Entrepreneur Individuel” sur l’ensemble de leurs documents commerciaux : devis, factures, contrats, conditions générales d’utilisation, cartes de visite, documents publicitaires, courriers aux impôts. Si l’entrepreneur individuel ne respecte pas la mention obligatoire, il s’expose à une amende pouvant atteindre 750 euros.
La mention obligatoire inclut aussi les documents bancaires. En tant que micro-entrepreneur, l’entrepreneur individuel est obligé d’avoir un compte bancaire professionnel si son chiffre d’affaires annuel a été supérieur à 10 000 euros pendant deux années consécutives. Il faut vérifier que la banque fait bien apparaître ces nouvelles mentions légales sur les documents bancaires.